[Revue de presse] Achondroplasie : 25 ans de recherches françaises pour redonner l’espoir de grandir (MOC) | Le Parisien

Achondroplasie : 25 ans de recherches françaises pour redonner l’espoir de grandir (MOC)

À 9 ans, Amandine est la première enfant en France à recevoir un nouveau médicament contre l’achondroplasie, forme de nanisme la plus répandue. La découverte du gène responsable de cette maladie et de la molécule testée est le fruit de la recherche française à l’hôpital parisien Necker.

Laurence Legeai-Mallet n’aurait manqué cela pour rien au monde. Etre ce mardi 30 mars aux côtés d’Amandine, 9 ans, première patiente en France à recevoir un nouveau médicament contre l’achondroplasie, la forme de nanisme la plus répandue. « From bench to bedside », comme on dit dans le jargon scientifique : du laboratoire au chevet du malade ! Car la chercheuse a une longue histoire avec cette maladie. C’est en 1994 qu’elle a codécouvert à l’hôpital parisien Necker que FGFR3 était le gène responsable de cette anomalie affectant la croissance des os et de leur cartilage.

« Avant de penser traitement, il fallait comprendre ce qui dysfonctionnait », explique-t-elle. Vingt ans à chercher, à développer des modèles… Et, en 2014, bingo, l’intuition que l’infigratinib, une molécule alors utilisée contre le cancer de la vessie, pouvait bloquer l’activité du gène. Brevetée en France, la thérapeutique est rachetée et développée outre-Atlantique. En juillet 2020, un essai international commence : une enfant est traitée en Australie, avec des résultats préliminaires attendus dans les prochains mois.

Dans l’Hexagone, avec Necker et l’Institut des maladies génétiques Imagine, Amandine est la première enfant à en bénéficier avant d’être suivie bientôt par un petit garçon. Objectif : glaner 10 à 20 cm en plus. « Cette avancée est le fruit de travaux français, se réjouit la pédiatre généticienne Geneviève Baujat. La molécule, qui agit comme une clé dans une serrure, est un vrai espoir. Mais attention, ce n’est pas un coup de baguette magique contre la maladie. Sa bonne tolérance sera notre boussole. »

D’autres molécules en cours de développement

Plusieurs autres molécules sont également en cours de développement, dont une du fabriquant BioMarin qui pourrait aboutir à une demande d’autorisation de mise sur le marché. Et tant mieux, car l’achondroplasie n’est pas « qu’un » problème de petite taille. Elle entraîne des complications orthopédiques, dorsales, ORL, sans compter le handicap social.

Si les résultats des essais sont à la hauteur, plusieurs centaines d’enfants pourraient, à terme, être éligibles pour recevoir cette – voire ces – molécule. « Rien n’est tabou, reprend la docteure Baujat, y compris d’élargir le traitement aux adultes achondroplases qui souffrent de complications comme de l’apnée du sommeil ou de troubles de l’audition. On va avancer, doucement, mais sûrement. »

Source : Le Parisien, article de Florence Méréo du 9 avril 2021 

L’espoir d’Amandine, 9 ans, première enfant en France à tester un nouveau traitement contre le nanisme.

EXCLUSIF. Cette fillette qui souffre d’achondroplasie, la forme de nanisme la plus fréquente, reçoit un médicament destiné à « casser » l’action de son gène défectueux dans le cadre d’un essai clinique mené par l’hôpital Necker et l’institut Imagine. Elle espère pouvoir ainsi grandir de quelques centimètres en plus.

Finalement, c’est la broderie sur le col de sa robe bleue qui résume le mieux Amandine. « Happy ». A neuf ans, la fillette le confirme d’un grand hochement de tête : « ah oui, oui, je suis très heureuse. Je viens de recevoir un traitement qui va me faire un peu grandir. Pas totalement, mais de plusieurs centimètres, j’espère », nous explique-t-elle, d’une maturité à en faire oublier sa blondeur, son visage enfantin et sa stature d’1,03 mètre qu’elle prend la peine de redresser régulièrement. A son âge, les enfants mesurent en moyenne 30 cm de plus.

Un oncle d’1,95 m, un père d’1,87 m, une mère d’1,69 m… Qu’Amandine naisse achondroplase était presque un comble. Cette maladie génétique, qui touche 2 400 personnes en France, dont la comédienne Mimie Mathy, a beau être rare, elle est la forme de nanisme la plus fréquente. Une anomalie qui affecte la croissance des cartilages, en particulier ceux des membres. « En fait, de mon cou à mon bassin, mes os grandissent bien, mais ceux des bras et des jambes ont du mal », décrit-elle.

« Chaque centimètre gagné est une victoire »

Mais depuis dix jours, dans sa maison à Rouen (Seine-Maritime), Amandine avale tous les matins sept granulés plongés dans sa compote. Comme nous le dévoilons, elle est la première enfant de France à tester un nouveau médicament, dans le cadre d’un essai clinique mené par le prestigieux hôpital parisien Necker et l’institut des maladies génétiques Imagine. « Et la treizième dans le monde ! », lance-t-elle. D’un regard noisette complice, elle se met d’accord avec Pascal, son père : un, treize, que des chiffres porte-bonheur !

La première nuit après le traitement, Valérie, sa maman, a été réveillée par l’angoisse. Et puis, l’optimisme caractéristique de cette famille soudée a repris le dessus. L’infigratinib – c’est le nom de la molécule testée – « est une chance », reprend-elle. « La seule donnée à Amandine de grandir. Elle n’est pas miraculeuse, elle n’annulera pas la maladie, mais elle l’aidera : chaque centimètre gagné est une victoire. » Si les promesses se concrétisent, « un gain de 10 à 20 cm serait formidable », note la chercheuse Laurence Legeai-Mallet, alors que la taille moyenne des femmes atteintes d’achondroplasie est d’1,24 m à l’âge adulte. « De toute façon, faire 1,90 m, non merci », prévient tout sourire, Amandine. Ici, le médicament, qu’elle prendra pendant au moins deux ans, vient comme « casser » l’action du gène défectueux.

Car l’achondroplasie, ce n’est pas seulement, comme Valérie et Pascal l’ont d’abord cru, « avoir une fille petite et puis voilà. » Non, ils ont reçu d’autres « coups de marteau » : un risque de compression du crâne et du rachis de leur enfant qu’il a fallu surveiller de près, des problèmes de dos qui ont valu à Amandine de porter un corset jusqu’à l’âge de trois ans, un régime alimentaire auquel elle s’astreint. « Pas de viande le soir, beaucoup de légumes, relève l’élève de CM1. Mais j’ai le droit de me lâcher. A Pâques, mon panier était tellement plein qu’il a craqué, il faut juste que je mange moins vite les chocolats que les autres enfants. »

Archéologue ou danseuse étoile

Evidemment, il y a le regard social, la réaction de l’autre. « On appréhende l’entrée au collège », concède Pascal : comment Amandine sera-t-elle accueillie ? L’établissement sera-t-il aussi exemplaire que l’actuel, qui a installé des toilettes, un lavabo, un tableau adaptés à sa taille ? « C’est le chapitre suivant, ça papa, le coupe Amandine. Pour l’instant je profite ! » Aussi pétillante que déterminée, la fillette insiste : « j’aimerais dire que je soutiens les autres personnes qui ont la maladie et qui ne peuvent pas avoir ce médicament. »

Source : Le Parisien, article de Florence Méréo du 9 avril 2021