Rokitansky

Aplasie utéro-vaginale : syndrome de Rokitansky

La connaissance du diagnostic du syndrome MRKH constitue toujours un choc douloureux pour les jeunes filles et leurs familles. Au moment du diagnostic différents aspects de la vie personnelle et psychique sont touchés. Si les réactions affectives sont différentes selon qu’il s’agit de l’adolescente ou de ses parents, rapidement de nombreuses questions sont posées.

C’est à un certain nombre de ces interrogations que nous souhaitons apporter des éléments de réponse pour aider ces jeunes femmes et leurs familles à mieux comprendre ce syndrome et les propositions de prise en charge et ainsi prendre une part active aux décisions de traitements.

Mayer, Rokitansky,  Kuster et  Hauser sont les noms des médecins qui ont décrit le syndrome.

Ce syndrome est caractérisé par une aplasie congénitale du vagin et de l’utérus.

Ce syndrome est  congénital puisqu’il se constitue avant la naissance, pendant  la grossesse au moment où certaines anomalies de développement peuvent se produire.

  • Aplasie signifie que l’utérus et le vagin ont un développement incomplet.
  • Syndrome désigne un ensemble de signes et de symptômes qui caractérise une maladie.

Ce syndrome affecte une fille sur 4 500 et représente la cause la plus fréquente d’absence de vagin associée à des malformations de l’utérus.

Les filles atteintes par ce syndrome sont en général en bonne santé ; elles ont un phénotype  féminin (c’est-à-dire des caractéristiques morphologiques normales), le caryotype est normal 46XX. À ce jour, les études génétiques n’ont pas mis en évidence un gène responsable de tous les syndromes MRKH.  La forme typique se caractérise par une aplasie utéro-vaginale isolée. Les organes génitaux externes (vulve)  sont normaux, le développement des seins et de la pilosité est normal. Les ovaires ont une fonction normale.

L’aplasie utéro-vaginale peut également être associée à d’autres malformations : les plus fréquentes sont des anomalies rénales concernant environ  1/3 des personnes. Il s’agit le plus souvent d’absence d’un rein (agénésie unilatérale) ou de rein en position inhabituelle (ectopie), ces anomalies n’ayant pas de répercussion sur la fonction du ou des reins. Des  anomalies osseuses concernent 10 à 15% des personnes touchant les vertèbres  (scoliose) et les extrémités (mains, avant-bras). On peut alors parler de syndrome MURCS (aplasie utéro vaginale, anomalie rénale, et anomalies squelettiques).  Plus rares sont les anomalies de l’audition  (4 à 10%), cardiovasculaires (1%) et encore plus rares  les anomalies de la fonction ovarienne.

Le diagnostic est en général posé à l’adolescence, lorsque la jeune fille constate une absence de règles (85% des cas) ; quelquefois l’absence de règle n’a pas inquiété et c’est alors au moment où la jeune fille se plaint de rapports sexuels difficiles voire impossibles (10%).

Plus rarement le diagnostic est fait avant la puberté soit par la découverte fortuite d’une anomalie utéro vaginale lors d’un examen fait pour une autre raison, soit par ce que la présence de certaines malformations ont fait rechercher cette anomalie.

Le diagnostic est fait par l’examen clinique, l’échographie pelvienne, voire une IRM.

L’examen clinique de la vulve par le gynécologue montre l’aspect normal de la vulve et de l’orifice vaginal mais la cavité vaginale est réduite à une cupule dont la profondeur et la dépressibilité peuvent être variables (de quasi nulle à quelques centimètres).

L’échographie permet de reconnaître ou de confirmer l’anomalie du développement de l’utérus et la présence des ovaires, et de rechercher une malformation rénale

Mais l’échographie ne permet pas toujours de bien comprendre quel est exactement l’importance de l’anomalie génitale et l’IRM est alors un examen plus précis en permettant une analyse plus complète.

Schéma (à mettre en place)

En effet, les ovaires sont quelquefois difficiles à mettre en évidence car ils se trouvent à une place inhabituelle, et il sera émis l’hypothèse d’ovaires absents alors qu’il faut s’acharner à les rechercher en dehors de leur situation habituelle (ce qui n’a pas de répercussion sur leur fonction).

Une autre cause d’erreur est une difficulté d’interprétation des images échographiques de l’utérus dont l’aplasie n’est pas toujours complète faisant conclure à tort à la présence d’un utérus.

Ce moment de l’imagerie est particulièrement sensible car c’est cet examen qui va parfois révéler ce diagnostic et toujours le confirmer. Mais ce sera quelquefois après une période d’hésitation sur la présence ou l’absence des organes génitaux internes et un complément d’investigation.

L’évaluation diagnostique se fait au cours de plusieurs consultations avec différents intervenants. Ce peut être le médecin généraliste, le radiologue, le pédiatre, le gynécologue pas toujours spécialistes de ce syndrome.

Le diagnostic est d’abord évoqué puis confirmé parfois après des hésitations voire des contradictions. Au cours des consultations des mots sont prononcés touchant à l’intimité qui se trouve ainsi exposée au regard des équipes médicales et de la famille. Cette période peut être vécue par l’adolescente et ses parents avec un sentiment de grande solitude aggravant le désarroi lié à l’annonce de ce diagnostic inimaginable (ou impensable) venant bouleverser les grands repères de la vie de femme. À qui parler ? Vers qui se tourner ?

Il est important que la jeune fille et ses parents soient rapidement orientés vers un centre de référence en matière de malformation gynécologique de manière à ce que la prise en charge soit réalisée par une équipe pluridisciplinaire qui pourra mener de front les investigations, le traitement et le soutien psychologique.

Si la charge émotionnelle et son contenu sont différents selon qu’il s’agit de l’adolescente ou de ses parents, souvent et rapidement sont exprimées des inquiétudes par rapport à la vie sexuelle. Les modalités de prise en charge sont alors proposées ; elles concernent essentiellement les possibilités chirurgicales ou non chirurgicales d’allongement du vagin.

Il s’agit d’un choix qui appartient à l’adolescente ou la jeune adulte. Ce choix ne peut venir qu’après tout un temps de réflexion. Car au moment du diagnostic l’adolescente est confrontée à de nombreux questionnements touchant à l’image du corps et à l’estime de soi, au devenir femme et à l’identité sexuée, à la vie amoureuse et à la vie de couple, questions venant s’intriquer avec la problématique de l’adolescence et les notions de norme et de différence.

Tous ces éléments invitent à respecter un temps suffisant entre l’annonce du diagnostic et les décisions de prise en charge de l’aplasie vaginale et à mettre en place une prise en charge psychologique spécifique et différenciée pour l’adolescente d’une part et ses parents d’autre part.

Le traitement de l’aplasie a pour but de créer une cavité vaginale autorisant les rapports.

La première méthode proposée est la méthode non chirurgicale : Il s’agit de la création d’un vagin à partir de la cupule vaginale par des dilatations pratiquées par la jeune femme avec un instrument appelé dilatateur.

Il est également possible de proposer dans un second temps les méthodes chirurgicales : il s’agit d’interventions chirurgicales qui consistent à créer un vagin.

Il n’y a pas d’âge idéal pour débuter la prise en charge. Le temps n’est pas compté. Il s’agit d’un choix qui appartient à l’adolescente ou la jeune femme, choix personnel qui porte sur le moment le plus adapté, la technique utilisée et même l’opportunité de cette prise en charge.

Il est recommandé de respecter un temps suffisant entre l’annonce du diagnostic et le début de la prise en charge, temps nécessaire pour recevoir et assimiler les informations médicales concernant le syndrome et ses conséquences, les différentes méthodes de création d’un vagin avec leurs avantages et inconvénients, temps nécessaire à la prise en charge psychologique, enfin temps nécessaire pour mûrir une décision personnelle.

De plus la création d’un néo vagin, qui peut être une démarche lourde et astreignante nécessite fréquemment un entretien de la cavité par des dilatations à la bougie tant que l’activité sexuelle n’est pas installée. Les meilleurs résultats fonctionnels sont obtenus quand la jeune fille a acquis la maturité suffisante pour prendre en charge la cavité vaginale, et quand des rapports sexuels sont envisagés à court ou moyen terme.

Enfin, le traitement de l’aplasie vaginale n’a aucun caractère urgent ni même obligatoire. La vie sexuelle est toujours possible. Ces jeunes filles et jeunes femmes ont une anomalie vaginale mais une vulve et un clitoris normaux permettant l’accès à l’orgasme même sans traitement.

De nombreuses jeunes femmes choisissent de recréer un vagin en utilisant des dilatateurs. Ce traitement est très efficace et non invasif (aucun risque opératoire). Il est cependant très important que la jeune fille soit motivée avant de commencer le traitement car il nécessite un investissement quotidien de quelques mois. Le vagin est constitué d’un tissu très souple et malléable qui peut s’étirer jusqu’à atteindre une longueur comprise entre 8 et 10 cm.

Il y a différentes tailles de dilatateurs. Ils peuvent être apparentés à la forme d’un tampon. Ils sont en plastique de surface douce et arrondie. Le médecin spécialiste apprend à la jeune femme comment réaliser les dilatations. Dans un premier temps, on utilise la plus petite taille de dilatateurs, pour que le tissu puisse s’étirer en douceur et le vagin se former.

Au fil du temps, la jeune fille utilise des dilatateurs plus gros jusqu’à ce que le vagin ait la longueur souhaitée. Au début du traitement, on introduit seulement l’extrémité du petit dilatateur. Puis avec le temps, il sera possible de placer le dilatateur de plus en plus en profondeur. Si les dilatations sont réalisées 15 à 20 minutes deux fois par jour, les progrès sont généralement très encourageants.

Il est également possible d’obtenir l’équivalent de cette méthode médicale par la méthode naturelle lorsque la jeune fille obtient un allongement progressif de la cupule vaginale par des tentatives répétées de rapports sexuels.

Comme décrit précédemment, il n’y a pas de bons ou de mauvais moments pour commencer le traitement. Le bon moment sera celui choisi par la jeune femme lorsqu’elle se sent prête.

Voici quelques questions qui nécessitent d’être posées afin de trouver le moment le plus approprié pour le traitement, concernant les dilatations:

Êtes-vous assez à l’aise avec votre corps pour commencer ? Avez-vous le temps nécessaire dans la journée pour réaliser des dilatations ? Êtes-vous dans une période où vos études ou votre vie amoureuse vous mobilisent activement ? Avez-vous assez d’intimité à la maison ? Préférez-vous attendre le moment où vous aurez une vie amoureuse plus active ?

Toutes ces questions nécessitent d’être posées afin que vous trouviez le moment le plus approprié pour ce traitement.

Quelle est la fréquence des visites chez le médecin si traitée par dilatations ?

Des rendez-vous réguliers avec le médecin sont essentiels dans la prise en charge, avec des visites toutes les semaines le premier mois puis une fois par mois. Le médecin doit apprécier la progression de la longueur du vagin, mais également son élasticité,. Enfin, il s’assure que les dilatations sont réalisées correctement afin de ne pas abîmer les tissus voisins.

Ce suivi est important sur le plan médical mais il permet surtout d’accompagner la jeune fille, de lui apporter le soutien nécessaire et la motivation jusqu’à la fin du traitement.

Combien de temps cela prend-il pour créer un vagin grâce aux dilatations ?

Le temps nécessaire à la création d’un vagin est de moins de 6 mois dans 75% des cas si les dilatations sont réalisées tous les jours. Cela varie bien évidemment selon les jeunes femmes. Si les dilatations ne sont pas faites tous les jours, cela prendra plus de temps.

La propre expérience sexuelle de chacune sera motivante pour accepter ce traitement relativement long.

Si la jeune fille a une vie sexuelle active, le résultat des dilatations se maintient, voir s’améliore. S’il n’y a pas de rapports sexuels réguliers, il est nécessaire d’entretenir la longueur du vagin avec des dilatations régulières mais non quotidiennes.

Est-ce que l’utilisation des dilatateurs est douloureuse ?

Non, utiliser des dilatateurs pour créer un vagin ne fait pas mal. Il s’agit d’appliquer une simple pression pour que le tissu du vagin puisse s’étirer mais sans provoquer de douleur. Si cela fait mal, c’est que la pression exercée sur le vagin est trop forte.

Quelles sont les solutions possibles si la méthode par dilatation ne fonctionne pas comme prévu ?

La majorité des jeunes filles ont un résultat satisfaisant avec les dilatations. Cependant, il arrive que des jeunes filles se sentent mal à l’aise avec les dilatateurs et ne les utilisent pas correctement. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à en parler à votre médecin. Il pourra vous suggérer d’arrêter un certains temps et de réessayer plus tard.

Les techniques chirurgicales consistent soit à allonger la cupule vaginale existante ou à créer une nouvelle cavité. Ces différentes techniques sont maîtrisées par un nombre restreint de chirurgiens. Tout échec d’une première intervention, au cours de laquelle les phénomènes cicatriciels altèrent naturellement les tissus, compromettrait l’avenir sexuel de la jeune fille. Il est donc indispensable que ces traitements ne soient entrepris que dans des centres de référence par des chirurgiens expérimentés dans ce domaine. Les différentes techniques ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Le choix de la technique opératoire sera décidé en fonction du souhait de la patiente, de son anatomie et de la pratique du chirurgien.

Y a-t-il des risques que le vagin se rapproche de sa taille initiale ?

Oui, si la cavité vaginale n’est pas maintenue par des dilatations d’entretiens ou par une vie sexuelle active.

Quelle est la durée d’hospitalisation ?

La durée d’hospitalisation est en moyenne de 8 à 10 jours.

Comment se passe la suite de la prise en charge ?

Immédiatement après la création chirurgicale du néo-vagin, les consultations de suivi doivent souvent être rapprochées pendant toute la période permettant d’obtenir un résultat satisfaisant en termes de longueur du vagin et de calibre. Ces consultations ont lieu avec le chirurgien, elles sont souvent hebdomadaires dans un premier temps puis mensuelles.

Par la suite, le rythme des contrôles dépend de chaque patiente et peut être intégré au suivi gynécologique classique réalisé par le gynécologue traitant.

À quel moment les rapports sexuels deviennent-ils possibles ?

Dès que la cicatrisation est terminée, ce qui dépend donc de la chirurgie pratiquée. L’utilisation d’un lubrifiant peut être nécessaire.

Est-il nécessaire de pratiquer les dilatations même après la chirurgie ?

Oui, il est possible que des dilatations soient nécessaires pour compléter le traitement chirurgical.

Certaines jeunes femmes devront porter un dilatateur la journée et /ou la nuit pendant plusieurs semaines, ou bien pratiquer des dilatations pour éviter la rétraction pendant la période de cicatrisation.

Porter un dilatateur revient à porter un tampon en plastique. Personne ne peut se douter que la jeune femme le porte et celle-ci ne le sent pas.

Lorsque le traitement est finalisé, des rapports sexuels doivent être fréquents pour maintenir la longueur du vagin. Si les rapports s’espacent ou sont inexistants pendant quelques mois, il est nécessaire de pratiquer des dilatations d’entretiens pour conserver le calibre du vagin.

Que se passe t il si les dilatations ne sont pas maintenues après la chirurgie ou s’il n’y a pas de rapports sexuels?

Selon le type de chirurgie, il y a des risques que le vagin se referme, raison pour laquelle il est nécessaire de pratiquer des dilatations d’entretien ou d’avoir des rapports sexuels réguliers.

Quel sont les risques de la chirurgie ?

Il est fortement conseillé que ces chirurgies soient réalisées par des chirurgiens habitués à réaliser ce type de chirurgie. En effet, du fait de phénomènes cicatriciels, une ré intervention est souvent difficile.

Pourquoi peut on avoir des douleurs pelviennes (douleurs au niveau du ventre) de temps en temps ?

Quelques jeunes filles qui présentent le syndrome de MRKH ont une partie d’utérus, appelé utérus rudimentaire ou corne(s) utérine(s).Il ne permettra pas de porter un bébé mais il peut malgré tout saigner un peu, et dans ce cas, provoquer quelques douleurs pelviennes. L’échographie ou l’IRM permettent de bien reconnaître ce tout petit utérus et de proposer le traitement adapté.

Comme tout geste opératoire, ces chirurgies comportent des risques, en particulier de lésions des organes de voisinage (vessie, rectum). Et chaque type de chirurgie comporte ces propres risques.

Après une prise en charge, si la jeune femme ne veut pas parler du syndrome à son partenaire, le jeune homme peut-il s’en apercevoir lors des relations sexuelles ?

Quelle que soit la méthode de prise en charge, il est possible de créer un vagin de taille normale et dans ce cas, le partenaire ne peut pas se douter de la malformation initiale. Selon les jeunes femmes, il est possible d’avoir recours aux lubrifiants.

Les jeunes femmes présentant le syndrome sont encouragées à explorer leur sexualité par elles-mêmes ainsi qu’avec leur partenaire afin de mieux connaitre leur sensibilité.

Les jeunes filles qui présentent le syndrome MRKH sont elles exposées aux maladies sexuellement transmissibles ?

Oui, ces jeunes filles sont exposées aux maladies sexuellement transmissibles. Il est donc impératif de se protéger avec des préservatifs durant les rapports sexuels.

Est-il possible d’avoir des enfants ?

La grossesse n’est pas possible pour ces jeunes filles bien que les ovaires fonctionnent normalement et produisent des ovules capables d’être fécondés par un spermatozoïde. À ce jour, la loi Française ne permet pas la gestation pour autrui. La maternité est possible par l’adoption.

Comment aider une jeune femme présentant ce syndrome ?

Deux associations apportent une aide précieuse à ces jeunes femmes dans le parcours de soin et au cours des différentes étapes de la vie : association MRKH et MAIA. Une prise en charge psychologique peut être proposée au sein du centre de référence des pathologies gynécologiques rares, mais aussi dans plusieurs centres spécialisés à Paris et en province. Dans tous les cas, il est important de ne pas s’isoler.